Société Civile Professionnelle                             CONSEIL D'ETAT

 

Claire WAQUET

Hélène FARGE                           SECTION DU CONTENTIEUX

Hervé HAZAN

Avocat au Conseil d'État

et à la Cour de Cassation

 

OBSERVATIONS COMPLEMENTAIRES

 

POUR:

- L'Association des amis du Vexin français,

 

- L'Union des amis du parc naturel régional du Vexin français,

 

- L'Association pour la protection du site de Grisy-les-Platres,

 

- L'Association de défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles

 

A   L'APPUI DU RECOURS N° 230388

 

Les associations exposantes viennent compléter par les présentes observations le mémoire ampliatif et le mémoire en réplique qu'elles ont déposés les 18 juin 2001 et 6 février 2002.

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Concernant la consultation de la commission consultative de l'environnement de l'aérodrome de Pontoise - Cormeilles en Vexin préalablement à l'édiction de l'arrêté du 13 novembre 1998, les associations exposantes relèvent une irrégularité supplémentaire.

Monsieur SOUDRY, qui représentait, en qualité de directeur de la société Aérope, les usagers de l'aérodrome au sein de cette commission, était en effet personnellement intéressé par le projet d'arrêté soumis à avis.

La société Aérope, nom commercial de la société 3S Aviation, assure la maintenance sur la plate forme de l'aérodrome (production n°24).  Monsieur SOUDRY est également directeur général de la société Full and Flight, société détaillante de combustible (production n°25). Il est certain que Monsieur SOUDRY avait un intérêt personnel à l'ouverture de l'aérodrome à des lignes régulières et à des aéronefs de tonnage plus important afin d'assurer le succès commercial des sociétés qu'il dirige.

L'article 13 du décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 prévoit expressément que :

« Les membres d'un organisme consultatif ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en fait l'objet.  La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision subséquente lorsqu'il n'est pas établi que la participation du ou des membres intéressés est restée sans influence sur la délibération »

En l'espèce, même si la commission n'a pas procédé à une véritable délibération, comme il a été souligné dans les écritures précédentes il est certain que Monsieur SOUDRY n'a pu qu'influencer les débats par la part très active qu'il y a pris (cf. pages 33, 53-58, 62-65, 76 du procès verbal de la réunion ; production n°17 jointe au mémoire ampliatif).  Le président de la commission a même été obligé de le prier de laisser les autres membres de la commission s'exprimer (cf. en haut de la page 59 du procès verbal)

L'annulation de l'arrêté adopté suite à cette consultation irrégulière, et l'obligation de procéder à son retrait, n'en sont que plus certains.

 

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Concernant la méconnaissance de l'article 9-3 de la charte du Parc naturel régional du Vexin français dont le respect s'imposait au Ministre de l'Equipement en vertu du quatrième alinéa de l'article L.244-1 du Code rural, devenu l'article L.333-1 du code de l'environnement, il importe de noter que ce dernier texte vise non seulement les mesures, mais également les « orientations » énoncées dans la charte d'un parc naturel régional.  L'État est donc tenu, aux termes de cet article, d'appliquer les orientations de la charte dans l'exercice de ses compétences sur le périmètre du parc.

En l'espèce, si le troisième alinéa de 1"articie 9-3 de la charte ne peut s'analyser à coup sûr en une « mesure » au sens du quatrième alinéa de l'article L333-1 du code de l'environnement, il n'en définit pas moins les orientations relatives à l'exploitation et l'aménagement de l'aérodrome inclus dans le périmètre du parc naturel régional :

« le Syndicat Mixte demande qu'une étude sur les nuisances existantes soit menée pour les limiter, qu'il n'en soit pas créé de nouvelles et que l'aérodrome ne connaisse pas d'extension sur le territoire du Parc »

L'arrêté litigieux est manifestement incompatible avec cette orientation puisqu'il induit l'apparition de nouvelles nuisances sonores et chimiques en ouvrant l'aérodrome aux lignes régulières et aux avions d'un tonnage supérieur à 17 tonnes.

L'annulation de l'arrêté et l'obligation de procéder à son retrait s'imposent également de ce chef.

Les associations exposantes entendent également apporter des précisions supplémentaires concernant l'atteinte excessive au respect de l'environnement des riverains de l'aérodrome.

Une carte établie le 6 juin 1997 atteste que les riverains de l'aérodrome se trouvaient déjà, avant l'adoption de l'arrêté litigieux, dans une zone fortement exposée aux nuisances sonores induites par le trafic aérien de l'aéroport de Roissy.  La ville de Pontoise est en effet située au milieu du principal couloir aérien d'arrivée sur l'aéroport et est de ce fait survolée en permanence par des avions à une altitude voisine des 3000 pieds, soit à peine plus de 900 mètres (production n°26).  De façon plus générale, l'État reconnaît l'existence d'un grave problème environnemental autour de l'aérodrome de Pontoise - Cormeilles en

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Vexin depuis plus de 10 ans, comme le démontrent les comptes rendus des réunions successives de la commission consultative de l'environnement en 1990, 1 1992, 1995, 1996, 1998 et 2001, consultables sur le site internet de l'association DIRAP à l'adresse http://ufcna.com/dirap. Les effets de l'arrêté litigieux exposant les riverains de l'aérodrome à des nuisances supplémentaires du fait de l'ouverture de cet aérodrome aux lignes régulières et aux avions d'un tonnage supérieur à 1 7 tonnes n'en sont que plus graves.

Cette atteinte à la qualité de l'environnement des riverains est encore aggravée par le fait que l'arrêté laisse subsister la possibilité d'effectuer des vols de nuit, sous réserve d'obtention d'une dérogation entre 22h30 et 7h00. 18 gros porteurs (tonnage supérieur à 17 tonnes) ont ainsi pu décoller ou atterrir entre 22h30 et 7h00 de septembre 2000 à mars 2001, dont 10 pour le seul mois de mars 2001 (production n°27).

Pour apprécier la pleine ampleur du risque de nuisance induit par l'arrêté, il importe encore de rappeler qu'aux termes du règlement n°2408/92 du Conseil européen, en date du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, notamment ses articles 3-1, 3-2, 8-1 et 9, l'ensemble des transporteurs aériens communautaires doit pouvoir utiliser les aérodromes français dans des conditions identiques, sauf instauration de restrictions de service public dans les conditions prévues aux articles 4 à 6 du règlement (production n°28). En ouvrant l'aérodrome aux lignes régulières de gros porteurs, l'arrêté litigieux oblige donc la société Aéroport de Paris, gestionnaire de l'aérodrome de Pontoise Cormeilles en Vexin, à accepter sans condition les demandes d'utilisation de l'aérodrome présentées par tout transporteur aérien communautaire.

L'atteinte excessive aux exigences qui découlent de l'objectif de limitation des nuisances causées aux riverains est donc manifeste et obligeait assurément le Ministre à retirer l'arrêté litigieux.

 

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Les précisions précédentes rendent également plus certaine l'illégalité de l'arrêté pour atteinte disproportionnée au droit au respect de son domicile et de sa vie privée garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il importe de souligner à ce propos que, dans l'affaire Hatton, citée dans le mémoire en réplique, l'État britannique a été sanctionné par la Cour pour son abstention à prendre les mesures adéquates et non pour une ingérence directe l'aéroport de Heathrow étant géré par une personne privée (cf. paragraphe 96 du jugement, production n°23 du mémoire en réplique).  En l'espèce, l'atteinte excessive au droit au respect du domicile et de la vie privée des riverains de l'aérodrome de Pontoise - Cormeilles en Vexin résulte au contraire d'une ingérence directe du gouvernement puisque le ministre de l'équipement et des transports est l'auteur de l'arrêté litigieux.

La disproportion de l'atteinte et la méconnaissance de l'article 8 de la convention en sont d'autant plus sûres.

 

 

PAR CES MOTIFS, et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d'office,

- les associations exposantes PERSISTENT avec confiance dans les fins de leur recours.

 

 

PRODUCTIONS:

 

24)       Présentation de la société AEROP  sur le site internet www.inpersau.fr/aerop/default.htm ;

 

25)       Renseignements légaux sur la société Full and Flight

 

26)       Cartes du trafic arrivée de l'aéroport de Roissy établie le 6 juin 1997 avec indication des altitudes de survol ;

 

27)      Courrier adressé le 23 avril 2001 par Aéroports de Paris à la mairie de Génicourt recensant les vols de nuit sur l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles en Vexin de septembre 2000 à mars 2001 ;

 

28)       Règlement du Conseil européen n°2408/92 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.

 

S.C.P. WAQUET-FARGE-HAZAN

Avocat au Conseil d'Etat