Société Civile Professionnelle

Claire WAQUET

Hélène FARGE

Hervé HAZAN

Avocat au Conseil d'État

et à la Cour de Cassation

 

CONSEIL D'ETAT

SECTION DU CONTENTIEUX

MÉMOIRE AMPLIATIF

 

 

POUR:       -   L'Association des amis du Vexin français,

-   L'Union des amis du parc naturel régional du Vexin français,

-         L'Association pour la protection du site de Grisy-les-Platres,

-         L'Association de défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles

 

 

A L'APPUI DU RECOURS N° 230388

 

 

FAITS

 

En vertu de l'article R. 221-3 du Code de l'aviation civile, le ministre chargé de l'aviation civile peut réglementer l'utilisation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique.  Une décision n° 01211 de la Direction générale de l'aviation civile en date du 25 avril 1980 restreignait ainsi l'utilisation de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin (95) aux avions de moins de 25 passagers et 17 tonnes et interdisait par ailleurs les vols de nuit, sauf octroi de dérogations pour des vols occasionnels.

 

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Conformément à l'article L. 147-3 du Code de l'urbanisme, cet aérodrome avait auparavant fait l'objet d'un plan d'exposition au bruit arrêté le 1 avril 1980.  Une Commission consultative de l'environnement était également constituée selon les prescriptions de l'article 2 de la loi no 85-696 du 11 juillet 1985, devenu l'article L. 517-13 du Code de l'environnement.

En 1988, la préfecture modifiait à la baisse le plan d'exposition au bruit, par arrêtés des 13 octobre et 29 décembre, en remplaçant l'hypothèse de 320 000 mouvements annuels d'aéronef par celle de 180 000 mouvements.

Depuis lors, l'évolution de l'aérodrome est marquée par une tension constante entre la volonté de l'établissement public « Aéroports de Paris », l'exploitant, de développer le trafic « affaires » de cet aérodrome, et le souhait des riverains de maîtriser les nuisances sonores qu'il induit.  Ainsi, l'établissement public proposait en 1990 d'assouplir les règles d'utilisation de l'aérodrome afin d'autoriser des avions d'une capacité de 55 sièges et d'un poids maximal de 34 tonnes.  Parallèlement, la préfecture du Val d'Oise décidait le 1er octobre 1991 de mettre en révision le plan d'exposition au bruit.  Cette procédure était abandonnée en 1993 après les avis défavorables de la Commission consultative de l'environnement et du commissaire-enquêteur.

Une charte de respect des riverains et de limitation des nuisances était par ailleurs signée le 11 décembre 1993 (production n°12), mais une seule compagnie aérienne acceptait d'y adhérer.

L'enjeu de la réglementation du trafic de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin devenait encore plus aigu en 1995.  Cet équipement se trouvait en effet inclus dans le périmètre du Parc naturel régional du Vexin français, réunissant 94 communes du Val d'Oise et du nord des Yvelines et classé par décret no 95-704 en date du 9 mai 1995.  La charte de ce parc, signé par l'Etat, mentionne d'ailleurs expressément en son article 9-3 (production n°13) .

« L'aérodrome situé sur les communes de Cormeilles-en-Vexin, Montgeroult, Génicourt et Boissy-l’Aillerie (Val d'Oise) est doté d'un plan d'exposition au bruit en cours de révision.  Le Syndicat Mixte demande au Préfet du Val d'Oise sa participation à la commission consultative de l'environnement afin de veiller au respect des conditions d'exploitation de l'aéroport de Pontoise-Cormeilles et de faire valoir la défense des intérêts des riverains.

De plus, le Syndicat Mixte demande qu'une étude sur les nuisances existantes soit menée pour les limiter, qu'il n'en soit pas créé de nouvelles et que l'aérodrome ne connaisse pas d'extension sur le territoire du Parc. »

 

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C'est dans ce contexte qu'était convoquée la Commission consultative de l'environnement par lettre en date du 3 novembre 1998 avec pour ordre du jour la présentation des principales évolutions survenues dans le fonctionnement et l'aménagement de l'aérodrome depuis la dernière réunion de la commission, la modification des conditions d'exploitation de la plate-forme et le projet de mise en service de la liaison aérienne de Pontoise-Cormeilles-Vexin par la Debonnair Airways (production n°14).  Par un courrier en date du 9 novembre 1998, les membres de la commission recevaient les prétendus documents préparatoires de cette réunion consistant d'une part en une note élaborée par les services d'Aéroports de Paris concernant la modification des conditions d'exploitation de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin, d'autre part en un projet d'arrêté du Ministre de l'équipement « portant restriction d'usage de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin dans le but de réduire les nuisances sonores autour de la plate-forme » (productions n°15 et16). La réunion de la commission se tenait le 12 novembre 1998 et ses membres découvraient que son objectif essentiel était d'entériner la modification des conditions d'utilisation de l'aérodrome afin d'y accueillir les liaisons régulières proposées par la compagnie Debonnair Airways (production n°17). Un projet d'arrêté substantiellement modifié, à l'exception de son intitulé, était distribué lors de cette réunion et alimentait des débats désordonnés, reflétant les antagonismes des intérêts en présence, sans qu'intervienne le moindre vote.  L'arrêté était signé dès le lendemain de cette réunion, sans aucune modification.  Le surlendemain, la compagnie Debonnair Airways effectuait le vol inaugural de la liaison Luton-Pontoise (production n°18) rendue possible grâce aux modifications introduites par l'arrêté du Ministre de l'équipement.  Celui-ci étend en effet les possibilités d'utilisation prévues par la décision n° 01211 de la Direction générale de l'aviation civile précitée, en autorisant le trafic des aéronefs compris entre 17 et 45 tonnes dès lors qu'ils n'entrent pas dans la catégorie de nuisance sonore maximale définie au chapitre Il de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 (les avions à réaction dont l'autorisation de circulation a été délivrée avant 1977).

Par lettre avec accusé de réception du 16 août 2000 (production n° 5 et 11), les associations exposantes demandaient au Ministre de l'Equipement de retirer cet arrêté du 13 novembre 1198, jamais publié, en raison de son illégalité.  Aucune réponse n'ayant été apportée à cette demande, une décision implicite de rejet est née.

C'est la décision attaquée.

 

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DISCUSSION

 

 

Au préalable, il ne fait aucun doute que les associations exposantes ont intérêt à demander l'annulation de la décision entreprise.  En autorisant l'utilisation de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin par des avions plus lourds, cette décision est en effet susceptible d'augmenter à la fois l'importance du trafic aérien et des nuisances sonores induites par cet aérodrome.  Elle porte donc atteinte aux intérêts dont les associations exposantes assurent la défense.

Tant le nom que l'objet statutaire de l'association de défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles (D.I.R.A.P.) démontrent qu'elle a intérêt à empêcher cette nuisance sonore supplémentaire.

Cette augmentation de trafic préjudicie également à la qualité naturelle du site du Vexin français que l'association des Amis du Vexin français s'est engagée à protéger aux termes de son objet statutaire.

Elle préjudicie de même à la qualité du site de Grisy-les-Plâtres, qui est susceptible d'être survolé par des aéronefs plus imposants, alors que l'Association pour /a protection du site de Grisy-les-Plâtres s'est donné pour but la « conservation du caractère exceptionnel » de ce village.

Enfin, l'augmentation du trafic aérien et des nuisances sonores qu'il provoque est totalement contraire tant aux objectifs de la charte du Parc naturel régional du Vexin français que de la lettre de son article 9-3.  L'intérêt à agir de l'Union des amis du parc naturel régional du Vexin français est donc tout aussi certaine.

C'est par conséquent à juste titre que ces associations ont demandé au Ministre de l'Equipement de retirer son arrêté en date du 13 novembre 1998 entaché de multiples illégalités.

1.En premier lieu, l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir puisqu'il visait à permettre à la Compagnie Debonnair Airways d'utiliser l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin alors que ni l'article R. 221-3 du Code de l'aviation civile, ni aucune autre disposition, ne confère au Ministre de l'Equipement le pouvoir de poursuivre un tel but, étranger à l'intérêt général.

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Au préalable, il importe de montrer que l'arrêté ne poursuit en réalité pas le but allégué.

Son intitulé, « arrêté portant restriction d'usage de l'aérodrome de Pontoise Cormeilles-en-Vexin dans le but de réduire les nuisances sonores autour de la plate-forme », laisse penser qu'il poursuit un but environnemental qui peut être rattaché aux raisons d'ordre public visées au premier alinéa de l'article R. 221-3.

Cet article dispose en effet:

« L'utilisation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique peut, à toute époque, être soumise à certaines restrictions ou temporairement interdite, si les conditions de la circulation aérienne sur l'aérodrome ou dans l'espace aérien environnant, ou des raisons d'ordre public le justifient.  Ces décisions font l'objet d'avis aux navigateurs aériens »

Mais contrairement à cet intitulé, une lecture attentive de l'arrêté montre qu'il augmente en réalité les nuisances sonores induites par les activités de l'aérodrome par rapport à la situation existante.

Ainsi, les formules négatives utilisées dans les deux premiers articles de l'arrêté ne peuvent faire illusion et empêcher de constater que ces dispositions autorisent en réalité l'utilisation de l'aérodrome par des aéronefs compris entre 17 et 45 tonnes dès lors qu'ils n'entrent pas dans la catégorie de nuisance sonore maximale définie au chapitre Il de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944.  Or, auparavant, la décision n° 01211 de la Direction générale de l'aviation civile en date du 25 avril 1980 interdisait toute utilisation par des avions de plus de 25 passagers et 17 tonnes.  Même si les nuisances sonores provoquées par un avion ne sont pas seulement fonction de son poids, il est certain qu'à qualité de moteur égale un aéronef de 45 tonnes sera plus bruyant qu'un aéronef de 17 tonnes.  Par ailleurs, l'exclusion des avions relevant du chapitre Il de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 est assez hypocrite puisque ces aéronefs doivent en tout état de cause cesser de voler à compter du ler janvier 2002 en vertu de la directive communautaire 92/14/CEE du Conseil en date du 2 mars 1992 (JO L 076 23.03.1992, p. 21).

Les nuisances supplémentaires entraînées par cet arrêté sont d'autant plus importantes qu'il prévoit également en son article 4 la possibilité pour les avions de plus de 17 tonnes appartenant au groupe acoustique cinq d'utiliser l'aérodrome de nuit dès lors qu'ils auront obtenu une dérogation.

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L'arrêté a donc un résultat contraire à l'effet prétendument recherché.  Son article 5, qui exige que les exploitants d'avions de plus de 17 tonnes publient dans leurs manuels d'exploitation « des consignes de conduite machine visant à réduire au minimum l'impact sonore des atterrissages et décollages », ne peut suffire à invalider ce constat.

Ainsi, le véritable but de l'arrêté ne peut être celui qui figure dans son intitulé.  Même s'il tente lui aussi d'entretenir une certaine confusion, les propos tenus par le sous-préfet présidant la Commission consultative de l'environnement du 12 novembre 1998 trahissent à plusieurs reprises la réalité des motifs du ministère de l'équipement.

Dès l'ouverture de la réunion il souligne la connexité des questions relatives à la modification des conditions d'utilisation de l'aérodrome et au projet de mise en service de la liaison de Pontoise - Cormeilles-en-Vexin (page 5 du procès verbal, production n° 17).  Un peu plus loin, à M. Lefebure, maire de Courcelles, qui interroge « En fait, si je comprends bien, on prend un arrêté pour l'augmentation du trafic de Cormeilles ? » le sous-préfet ne répond nullement par la négative mais en parlant « du trafic d'affaires » (page 41 du procès verbal). Il est encore plus précis en fin de réunion puisqu'il déclare :

« Mais vous savez bien que si on se réunit aujourd'hui, c'est parce qu'il y a un exploitant qui se propose d'instituer à l'avenir une ligne.  C'est une occasion économique importante qu'on ne peut pas laisser passer et il convenait de réunir la commission sur ce point » (page 85 du procès verbal)

Le but réel de l'arrêté est donc d'adapter les conditions d'utilisation de l'aérodrome aux souhaits de la compagnie Debonnair Airways.

Or un tel but ne répond nullement aux considérations d'ordre public visées au premier alinéa de l'article R. 221-3.  Il semblerait en revanche pouvoir se rattacher aux dispositions du second alinéa de cet article :

« En outre, lorsque plusieurs aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique desservent une même région le ministre chargé de l'aviation civile peut réglementer leur utilisation dans l'intérêt général et, notamment, réserver spécialement chacun d'eux à certains types d'appareils ou à certaines natures d'activités aériennes ou d'opérations commerciales. »

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Mais ni les visas de l'arrêté, ni les propos échangés lors de la Commission consultative de l'environnement du 12 novembre 1998 n'évoquent à aucun moment l'intérêt général de la circulation aérienne publique.  Les seuls intérêts qui sont satisfaits par cette décision sont en réalité les intérêts financiers de la compagnie Debonnair Airways, accueillie sur l'aérodrome dès le surlendemain de la signature de l'arrêté, ainsi que ceux de l'exploitant de la plate-forme, Aéroports de Paris.

Le détournement de pouvoir est donc manifeste et entache l'arrêté d'une illégalité qui obligeait le Ministre de l'Equipement à le retirer.

Il. En deuxième lieu, quand bien même l'arrêté poursuivrait un but tenant à l'intérêt général de la circulation aérienne publique, il n'en serait pas moins illégal en raison de l'atteinte excessive qu'il porte aux exigences qui découlent de l'objectif de limitation des nuisances causées aux riverains.

Il est en effet établi qu'une décision prise sur le fondement de l'article R.2213 est illégale dès lors qu'elle porte une atteinte excessive aux exigences qui découlent de l'objectif de limitation des nuisances causées aux riverains (CE, 23.10.98, Association de défense de l'environnement et du cadre de vie, n°177404, production n°19).

Or, comme souligné précédemment, l'arrêté en cause augmente considérablement les nuisances sonores dont pâtissent les riverains.  Cet accroissement est d'autant plus préjudiciable qu'il s'ajoute aux nuisances déjà très importantes provoquées par l'activité d'avions de loisirs ou de tourisme accueillie sur l'aérodrome.  Ces nuisances existent notamment le week-end, lorsque les riverains sont désireux de calme.  En cumulant un trafic d'affaires croissant et une activité de loisirs importante, l'aérodrome atteint donc un niveau de nuisances maximal.

Une telle augmentation de nuisances ne peut trouver une justification suffisante dans l'intérêt de la circulation aérienne publique.  Les liaisons régulières susceptibles d'être accueillies sur l'aérodrome de Pontoise Cormeilles-en-Vexin ne concernent du reste qu'une catégorie très limitée d'usagers effectuant régulièrement des vols d'affaires en France ou en Europe, trop pressés pour recourir au train ou à l'automobile (cf. les échanges entre Messieurs Paternotte et Muffang en pages 50-51 du procès verbal de la Commission consultative de l'environnement du 12 novembre 1998, production n° 17).

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L'atteinte excessive aux exigences qui découlent de l'objectif de limitation des nuisances causées aux riverains est donc certaine.  Le Ministre de l'Equipement était une nouvelle fois tenu de retirer l'arrêté au vu d'une telle illégalité.

III. En troisième lieu, l'arrêté est encore illégal en raison de sa contrariété avec l'article 9-3 de la charte du Parc naturel régional du Vexin français dont le respect s'imposait au Ministre de l'Equipement en vertu de l'article L. 244-1 du Code rural, devenu l'article L. 331-1 du code de l'environnement.

Le quatrième alinéa de cette disposition du Code rural prévoit en effet que l'Etat applique les mesures des chartes des parcs naturels régionaux dans l'exercice de ses compétences sur le territoire du parc.  Les dispositions de la charte du Parc naturel régional du Vexin français sont donc directement opposables aux décisions de l'Etat relatives à l'aérodrome de Pontoise Cormeilles-en-Vexin compris dans le périmètre du parc.

Or, à propos de cet aérodrome, le troisième alinéa de l'article 9-3 de la charte, classée par le décret no 95-704 du 9 mai 1995, prévoit:

« le Syndicat Mixte demande qu'une étude sur les nuisances existantes soit menée pour les limiter, qu'il n'en soit pas créé de nouvelles et que l'aérodrome ne connaisse pas d'extension sur le territoire du Parc »

Comme démontré plus haut, l'arrêté discuté est directement contraire à cette disposition puisqu'il permet la création de nuisances sonores supplémentaires considérables.  Cette contrariété avec les dispositions de la charte ne trouvant aucune justification dans la convention d'application conclue le 6 novembre 1995 entre l'Etat et le Syndicat mixte d'aménagement et de gestion du parc naturel régional (,production n° 20), l'illégalité est indiscutable.

Le retrait de l'arrêté s'imposait donc une nouvelle fois.

IV. En quatrième lieu, l'arrêté est également entaché d'un vice de procédure substantiel pour avoir été pris sans consultation régulière de la Commission consultative de l'environnement au regard des prescriptions de l'article 2 de la loi no 85-696 du 11 juillet 1985 et des articles 10 et suivants du décret no 83-1025 du 28 novembre 1983.

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Aux termes de l'article 2 de la loi n° 85-696 du 11 juillet 1985, devenu l'article L. 517-13 du Code de l'environnement, la commission est en effet « consultée sur toute question d'importance relative aux incidences de l'exploitation sur les zones affectées par les nuisances de bruit ». C'est donc à bon droit que la préfecture du Val d'Oise a convoqué la commission le 12 novembre 1998 avant que le Ministre de l'Equipement ne signe l'arrêté discuté.  Mais cette consultation a été entachée de plusieurs irrégularités qui vicient de façon substantielle la procédure d'adoption de l'arrêté.

 

Tout d'abord, les membres de la commission n'ont pas été convoqués dans des conditions conformes aux prescriptions de l'article 11 du décret du 28 novembre 1983.  Cette disposition, qui trouve à s'appliquer à l'espèce en vertu de l'article 10 du décret, exige que :

« sauf urgence, les membres des organismes consultatifs reçoivent, cinq jours au moins avant la date de leur réunion, une convocation écrite comportant l'ordre du jour et, éventuellement, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites »

Or, en l'espèce, le projet d'arrêté, qui constituait l'objet même de la réunion, n'a été transmis que par un courrier en date du 9 novembre 1998, soit seulement trois jours avant la réunion (productions n°15 et 16). Madame Poucet, maire de Génicourt, l'une des communes riveraines, n'a d'ailleurs même pas reçu ce document (voir en page 8 du procès verbal, production n° 17).

De plus, le projet ainsi communiqué différait substantiellement de celui réellement discuté qui fut distribué en remplacement du précédent le jour même de la réunion.  Les propos du président de la commission attestent de cette substitution :

« un petit point d'ordre, il vous avait été remis en document préparatoire un projet d'arrêté de modification des conditions d'exploitation. Il a fait l'objet d'une modification, c'est donc un nouveau projet qui vous sera communiqué dès maintenant » (en bas de la page 8 du procès verbal)

Les membres de la commission ont ainsi été sommés de donner leur avis sur une mesure dont ils découvraient la teneur, sans même pouvoir consulter les personnes qu'ils sont censés représenter au sein de chaque collège.  La consultation a donc été vidée de toute substance.

 

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Ensuite, les débats portant sur la question essentielle ont été esquivés. Il s'agissait bien entendu de l'accueil de vols réguliers de la compagnie Debonnair Airways sur l'aérodrome de Pontoise Cormeilles-en-Vexin, question qui conditionnait toutes les autres. La discussion sur ce point a été inexistante puisqu'elle s'est résumée à la présentation du projet par les représentants d'Aéroports de Paris (pages 79 et 80 du procès verbal).

Enfin, les débats n'ont donné lieu à aucune délibération formelle permettant de déterminer l'avis de la commission.

Pourtant, selon l'article 2 de la loi n°85-696 du 11 juillet 1985 la Commission consultative de l'environnement doit être consultée sur les projets.  Une telle consultation implique l'adoption d'un avis explicite sur le projet de mesure envisagé.  Elle ne peut consister en un simple débat informel.  La loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 a d'ailleurs ajouté à l'article susvisé un alinéa qui précise que « les avis de la commission sont motivés et détaillent la position de chacun de ses membres ». De façon générale, l'article 14 du décret du 28 novembre 1983 prévoit que « le procès-verbal indique le nom et la qualité des membres présents, les questions traitées au cours de la séance et le sens de chaque délibération ».  Il a ainsi été logiquement jugé :

« dans le silence des textes, les avis de la commission consultative doivent être émis à la majorité des suffrages exprimés »

(CE, 23.10.98, Association de défense de l'environnement et du cadre de vie, n' 177404, Production n° 19)

Or, il ressort du procès-verbal qu'aucun vote n'a eu lieu.  Les débats ont rapidement pris la tournure d'une discussion confuse où se sont imposées les personnes maîtrisant le mieux les aspects techniques de la réglementation aérienne.  L'antagonisme des intérêts en présence n'en est pas moins apparu avec force.  Aucune délibération n'a pourtant permis de déterminer si la majorité de la commission était favorable ou non à l'adoption de l'arrêté.  La réunion s'est simplement achevée sur le « résumé de l'ensemble des débats et de l'état d'esprit général » par le sous-préfet présidant la commission, selon l'expression de Monsieur Guiard, maire de Boissy l'Aillerie (page 85 du procès verbal).

Un tel résumé ne saurait répondre aux exigences de la loi n° 85-696 du 11 juillet 1985.  Il tend par ailleurs à faire croire à l'auteur du projet d'arrêté qu'il bénéficie d'un accord tacite alors que les propos de nombre des membres de la commission étaient très critiques et que l'avis de plusieurs personnes reste totalement inconnu puisqu'elles n'ont jamais eu l'occasion de s'exprimer.

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L'ensemble de ces irrégularités prive donc la consultation de la commission de toute portée et vicie de façon substantielle la procédure d'adoption de l'arrêté. Cette illégalité nécessitait encore une fois que le Ministre de l'Equipement retire l'arrêté discuté.

V. En dernier lieu, il appartient à l'administration de prouver la compétence du délégataire signataire de l'acte.

Le pouvoir de restreindre les conditions d'utilisation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique est en effet conféré par l'article R. 221-3 du Code de l'aviation civile au ministre chargé de l'aviation civile.  Or l'arrêté discuté n'a pas été signé par le Ministre de l'Equipement mais par Monsieur Grassineau, chef de service, par empêchement du Directeur général de l'aviation civile.  L'administration devra donc établir que le Directeur de l'aviation civile bénéficiait d'une délégation du Ministre de l'Equipement régulière et antérieurement publiée en matière de réglementation de l'utilisation des aérodromes et qu'il se trouvait effectivement empêché le 12 novembre 1998.

Sauf à ce que l'administration apporte ces preuves, l'arrêté est entaché d'une incompétence obligeant le Ministre de l'Equipement à le retirer.

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PAR CES MOTIFS, et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d'office,

Les associations exposantes concluent à ce qu'il PLAISE AU CONSEIL D'ETAT

- ANNULER la décision attaquée, ensemble l'arrêté dont elle a refusé le -retrait,

- CONDAMNER l'Etat à leur payer la somme de 24 000 francs au titre des frais irrépétibles, en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative,

avec toutes conséquences de droit.

 

Productions       11)  accusé de réception de la demande de retrait de l'arrêté

 

12) charte de respect des riverains et de limitation des nuisances

 

13) article 9-3 de la charte du Parc naturel régional du Vexin français

 

14) convocation de la réunion de la Commission consultative de l'environnement

 

15) courrier de communication des documents préparatoires de cette réunion

 

16) projet d'arrêté qui accompagnait ce courrier

 

17) procès verbal de la réunion de la Commission consultative de l'environnement du 18 novembre 1998

 

18) article de presse sur l'arrivée de Debonnair Airways à l'aérodrome de Pontoise Cormeilles-en-Vexin

 

19)   CE, 23.10.98, Association de défense de l'environnement et du cadre de vie, n°177404

 

20) Convention d'application de la charte du Parc naturel régional du Vexin français

 

 

S.C.P. WAQUET - FARGE - HAZAN

Avocat au Conseil d'Etat